Joyeux anniversaire Mélissa
Sourcils arqués, joliment dessinés, lèvres superbes. J’ai souvent envie de les embrasser surtout quand tu les peints en rouge.
Mélissa, mon amie-femme toute en courbes exquises.
Quand je suis auprès de toi, que je partage ton intimité, je me sens comme au sérail. De toi émane un nuage poudré de féminité qui m’enveloppe et me fait moi aussi féline.
C’est l’été, dans la pénombre des persiennes baissées, je vois tes gestes lents et souples pour ajuster ton maillot de bain, tes doigts passent lentement sous l’élastique pour soulager la peau de l’aine, la pulpe de tes doigts s’attarde sur la pointe de ta hanche. Ta paume soulève le rond de ton sein lourd, magnifique. Tandis qu’à la va-vite, j’enfile, détournicote et fais claquer les élastiques, toi tu mets un soin méticuleux à installer ta poitrine affolante dans le haut de ton maillot-de-bain, que tu enlèveras bientôt, une fois allongée au soleil. Je te regarde te préparer, tes froufrous sans vie, sans saveur, presque kitchs pliés dans ta valise prennent des allures d’apparats de soie, de dentelles et de velours quand tu les portes. C’est toi Vénus-Mélissa qui les sublime, pas l’inverse.
Allongée sur une chaise longue au soleil, les yeux fermés sous tes lunettes noires, tes boucles rutilent dans la lumière chaude d’Amalfi. Je n’ai pas besoin de m’approcher pour savoir que tu sens la vanille et la fleur d’oranger, tu sens la douceur sucrée-salée.
C’est avec ce même mélange subtil de douceur et de piquant que tu écoutes une amie, qui répète sûrement une fois encore la même histoire, les mêmes doutes, les mêmes questionnements, probablement à propos d’un homme. Elle parle, sa voix tremble un peu, elle est triste, et toi tu entends ce qu’elle te dit, mais tu ne laisses pas s’installer l’amertume. Tu désamorces avec un trait d’humour noir, aussi dur pour celui qui lui fait du mal ou pour sa faiblesse à elle que tu peux être souple et enthousiaste avec ceux que tu aimes. Tandis que sans fin j’analyse, décortique et élabore à la vitesse de la lumière, toi tu ironises, sans aucune précipitation, tu déniches la mauvaise foi et lui fais la peau, à coup de dérision.
C’est le printemps, nous sommes à Nîmes. Ta longue robe noire avance dans la foule devant moi. Nous sommes assommées de chaleur mais tu marches décidée jusqu’aux arènes, tu ne seras pas en retard à la corrida. Je te suis pour découvrir ta passion, aveuglée par le soleil et la pierre blanche, perdue dans les escaliers intemporels. Tout à l’heure, quand j’ai questionné la couleur de ta robe « tu mets du noir pour aller passer trois heures assise au soleil ? » tu m’as avoué avec un ton de petite fille que tu ne sais jamais si c’est le blanc ou le noir qu’il faut éviter. Mon esprit cartésien est incrédule, je ne dis rien mais je me demande comment il est possible que cela ne te soit pas évident. Dans une heure, quand je sentirai rosir mes genoux et mes épaules à l’aplomb du soleil, j’envierai ta robe trop longue et ton chapeau immense.
Comme pour la corrida à pied tu m’expliques chaque étape d’une rejoneadora. Je suis dubitative jusqu’à ce que le rejoneador entre dans l’arène. Je me tourne vers toi soufflée : « Le cheval n’a aucune protection ??? ». Les picadors de la corrida d’hier étaient montés sur des chevaux matelassés et aveuglés, là c’est un cavalier dandy en selle sur un cheval très nerveux qui salue la foule. « Attends tu vas comprendre » me réponds-tu sans quitter la piste des yeux. Tu connais par cœur le nom des toreros, ceux qui sont ici des légendes comme les tous jeunes espoirs. C’est un amour qui t’a fait découvrir la corrida il y a dix ans et maintenant tu partages ta passion avec moi. Quand le taureau entre dans l’arène, le cavalier commence à faire danser son cheval et emmène l’animal dans son sillage. Dans un enchaînement enivrant de pirouettes, échappées, arabesques, le centaure cherche et agace la masse noire du taureau qu’il entraîne derrière lui pour le garder toujours à moins d’une épaisseur de crin de sa croupe. A la fin de chaque passe le cavalier soustrait son cheval de la pression taurine dans une virevolte éphémère, la foule l'acclame. Le taureau reprend son souffle, nous aussi, le cavalier et sa monture lui font face. J’oscille entre la béance devant la virtuosité équestre du torero et des exclamations d’effroi quand les cornes coléreuses me semblent sur le point de déchirer les flancs du cheval. J’essaie de retenir mes cris avec ma main sur ma bouche. C’est un beau spectacle et je te sens fière de me le faire découvrir.
Avant la mise à mort, le torero changera plusieurs fois de monture. Le combat m’apparaît alors plus qu’inégal et le spectacle trop cher payé.
Ce week-end-là j’ai vu beaucoup de taureaux mourir, toi, tu as vu des combats d’hommes valeureux. Je n’assisterai plus jamais à une corrida, tu y retourneras chaque année. Mais nous continuerons d’en parler comme de nos amours et de nos amitiés, comme de tout et de rien dans le chuchotement de nos nuits partagées.
C’est avant-hier, dans la pénombre de ta chambre mal éclairée, je te regarde finir de te préparer pour te coucher. Je suis déjà dans le lit et dans un geste théâtral tu ouvres d’un coup la couette et tombes sur mes pieds enchaussonnés qui s’agitent comme des petits animaux qui viennent d’être découverts. Tu éclates de rire « tiens ma biche tu vas pouvoir retirer tes chaussons tuent-l’amour » et tu poses la bouillotte entre nous deux. Il y a de la malice dans ton regard. Tu te couches aussi, éteins la lumière, tu cales tes pieds à côté des miens, dans la chaleur des pépins de cerise. Encore quelques mots chuchotés dans le noir. Tu m’accueilles au cœur de ton intimité et je suis contente à l’idée qu'il y a encore le matin à partager avec toi.
Au matin justement tes boucles en vrac te font ressembler à l’Agrippine de Bretecher. Dans le miroir, tu n’as pas de pitié pour toi-même, tu me fais rire. Je te raconte mon rêve où je marche avec une collègue le long d’une terrasse et au coin de la rue, je tombe les yeux dans les yeux avec Alexis. Echange de regards, chaleur immense, sourires, je continue ma conversation avec ma collègue, passe mon chemin. Puis je dis « excuse-moi je ne peux pas continuer cette conversation ». Je me retourne, le regarde qui me regarde partir, je marche vers lui qui se lève puis je cours. Et nous nous étreignons avec force. « Et c’est là que je me suis réveillée, le cœur battant la chamade ». Tu me regardes et ne dis rien. Tu sais que je fais souvent des rêves où je m’offre ce que la vie n’a pas pour moi. A ton tour tu me dis que cette nuit tu étais la maman mourante d’une petite fille aux mêmes boucles que les tiennes, mais blondes. Comme tu sais que tu vas bientôt mourir, tu veux confier la prunelle de tes yeux à un homme qui t’aime… et à sa femme…
Silence.
Je te regarde. Mais tu me tournes le dos.
Et puis je dis « et ben dis donc… on est gratinées toutes les deux ».
Sans même lever le nez du chemisier que tu repasses, tu me lances enjouée « Et bien, merci Freud pour cette interprétation ! ».